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France
Vue d'ensemble
En France, l’agriculture irriguée couvre plus de deux millions d’hectares, dont moins de la moitié est gérée de façon collective par des organisations d’usagers ou par des entreprises semi-publiques. Cependant, au niveau du bassin méditerranéen, les formes communautaires de gestion sont prépondérantes. Elles sont dues à l’histoire et au maintien de certaines formes de coopération.
Favoriser une gestion globale et équilibrée de la ressource en eau et de son utilisation en conciliant le respect de l’environnement et la viabilité économique de l’agriculture, tels sont selon Irri-mieux les objectifs du dialogue local entre les agriculteurs, les professionnels du développement et différents partenaires ou autres utilisateurs de l’eau. Cette dynamique institutionnelle et sociale, largement appliquée dans la vallée du Têt, a servi de référence pour la construction du projet ISIIMM avec les partenaires méditerranéens.
Les cas d'étude
La vallée de la Têt (Pyrénées-Orientales, Languedoc Roussillon)
Pendant des siècles, les agriculteurs catalans ont tenté de dompter les eaux sauvages de ce fleuve. La Têt est le plus grand bassin versant (1400 km2) du département des Pyrénées Orientales et souffre de sécheresses et d’inondations dues au climat méditerranéen. A partir du Moyen Âge, l’irrigation s’est développée avec des centaines de canaux déviant l’eau depuis la Têt et ses affluents et l’amenant dans les champs. Dans la partie amont du bassin, les prairies sont irriguées pour l’élevage et, en aval, l’eau est utilisée pour la production de fruits et de légumes. Cette tradition a fortement marqué le paysage avec le contraste entre les regatiu, où les jardins et les vergers irrigués sont verts et luxuriants, et les aspre, territoires secs et durs, où seuls la vigne et l’olivier peuvent pousser, en l’absence d’eau.
Au point de vue historique, les canaux furent construits dans plusieurs buts : fournir de l’énergie aux moulins et aux forges, approvisionner en eau potable, et irriguer. Aujourd’hui, la finalité principale des canaux est l’irrigation de près de 12 000 ha. Ces vingt dernières années, leurs utilisateurs ont pris conscience de leur rôle primordial dans la prévention des inondations, la reconstitution de la nappe souterraine, l’architecture du paysage et sa protection.
Depuis le Moyen-Âge, les canaux sont gérés par des groupements d’usagers selon des règles autoritaires qui organisaient la distribution de l’eau et l’entretien communautaire. A la fin du XIXe siècle, ces groupes sont devenus des ASA (Associations syndicales autorisées). Au cours du XXe siècle, trois grands barrages ont été édifiés pour la production d’énergie hydroélectrique, l’irrigation et la prévention des inondations. Pendant les vingt dernières années, quelques-uns des plus grands réseaux traditionnels ont été modernisés, pour pratiquer l’irrigation au goutte à goutte, et un système original de gestion de l’eau a été mis en place à l’échelle du bassin. Il regroupe des représentants de toutes les catégories d’usagers, afin de partager l’eau pendant les périodes de sécheresse.
Aujourd’hui, le développement urbain dans les plaines et le déclin de l’agriculture de montagne demandent une révision du système des ASA. Ces institutions obsolètes doivent s’adapter au troisième millénaire et à ses nouveaux contextes politique, économique, social et environnemental. Il convient de mieux comprendre les nouvelles fonctions du canal, que sont la recharge des nappes souterraines, le drainage de l’eau de pluie, l’arrosage des jardins publics dans les villes, et la construction du paysage. Il faut, pour tout le bassin, établir un vaste système de gestion innovateur, répondant aux multiples utilisations de l’eau, en incluant les nappes souterraines, les affluents et les sous-bassins.
Pour le projet ISIIMM, deux sites ont été sélectionnés dans le bassin de la Têt :
Le bassin de la Durance (Provence, Alpes, Côte d'Azur)
La Durance draine d’importantes quantités d’eau depuis les Alpes jusqu’à la Méditerranée, irrigant une grande partie du territoire de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Elle structure ce bassin aride qui relie les montagnes à la plaine et dans lequel sont concentrées la population, l’agriculture et les voies de communications.
Le contrôle dans l’espace et le temps du cours d’eau a été une question cruciale pour la préservation de la vie dans cette région depuis le XIIe siècle, époque où les canaux ont été creusés pour transporter l’eau, principalement à des fins agricoles. Le droit d’eau est influencé par le système romain, il est relié au droit de la propriété et peut faire l’objet de négociations. Au milieu du XIXe siècle, la création des Associations syndicales autorisées d’irrigants (ASA), qui ont le statut d’organismes publics, ont permis la gestion commune de l’eau et des aménagements hydrauliques.
Pourtant, les fortes crues de la Durance, qui se produisent presque chaque année, provoquent depuis longtemps des conflits locaux, en particulier entre les zones montagneuses et les plaines. Au début du XXe siècle, l’État s’est impliqué, créant la Commission exécutive de la Durance (CED), organisation qui a réuni les usagers du canal et les représentants de l’administration. La CED travaille depuis un siècle maintenant, préfigurant la notion de gestion globale.
Finalement, au milieu du XXe siècle, l’État a autorisé Électricité de France à construire le grand barrage de Serre-Ponçon. Graduellement des accords se sont établis entre la compagnie et les organisations ou les syndicats d’irrigants.
Ainsi, la vallée de la Durance possède un système organisé de gestion de l’eau qui associe différentes institutions à différents niveaux, depuis des zones locales jusqu’au bassin entier. Près de 400 ASA régissent l’utilisation de l’eau en agriculture et s’impliquent dans l’irrigation de 150.000 hectares.
Plusieurs nouveaux facteurs économiques et environnementaux ont émergé, qui déterminent maintenant la gestion de la Durance. La dynamique de la demande en eau, à l’origine destinée à l’agriculture a changé, pour devenir une demande en eau potable. C’est dû en France au contexte de la région méditerranéenne, qui cumule une agriculture en déclin, une politique gouvernementale inadaptée en matière d’économies d’eau et un accroissement de sa population permanente et saisonnière. Les habitants sont conscients de l’importance, sociale et environnementale et du capital commun que représente la Durance pour la construction du paysage, la recharge de la nappe souterraine par l’irrigation et l’utilisation des eaux de surface, et enfin la prévention des risques et la protection de la biodiversité.
Le Conseil régional a créé la "Mission Durance", qui doit trouver des solutions nouvelles pour préserver les systèmes naturels et répondre aux mutations intervenues dans les usages de l’eau. Elle doit formuler des propositions constructives à l’échelon régional. Il sera impératif, aux échelons locaux et intermédiaires, de prendre en compte ces changements, en intégrant toutes les utilisations maintenant existantes : l’hydroélectricité, l’irrigation, l’eau potable et les demandes générées par le tourisme ainsi que par la préoccupation pour l’écologie. La mission s’attache à trouver, pour la gestion collective, des solutions innovantes, conformes aux prescriptions de la nouvelle loi sur l’eau qui a été prise en application de la directive-cadre européenne.
Pour le projet ISIIMM, deux sites ont été sélectionnés dans le bassin de la Durance :
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